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Toute ressemblance avec des personnages ou faits réels n'est que pur fruit de l'imaginaire et simulacre de l'esprit.


dimanche 30 novembre 2014

1- L’ENTRETIEN D’EMBAUCHE




            On y est ! Après la validation haut la main d’un diplôme pour lequel vous n’avez pas travaillé autre chose que vos relations privilégiées avec le corps enseignant, vous intégrez une licence en alternance. Préparez les CV et lettres de motivation, faites chauffer internet et balancez vos candidatures à tout va, en espérant à chaque SPAM reçu qu’il s’agira d’une proposition de date pour un éventuel entretien d’embauche avec une société auprès de laquelle vous ne vous rappeliez même pas avoir postulé.

            Les entretiens d’embauche, parlons-en tiens ! Prenons, au hasard, une société de grande envergure. Combien d’étapes faut-il passer avant même de pouvoir rencontrer une première personne physiquement, qui ne sera : ni la personne POUR QUI vous travaillerez, ni la personne AVEC QUI vous travaillerez, et encore MOINS la personne que vous pourriez REMPLACER ?! Il y a tout d’abord l’envoi du CV via une plateforme incompréhensible aux caractéristiques multiples qui permettent à un algorithme bidon de déterminer si vous correspondez ou non aux valeurs de l’entreprise.


Ensuite, si cet algorithme a daigné faire sortir votre CV du lot incommensurable de candidatures reçues, vous recevez un appel téléphonique, à une heure incongrue, lorsque vous êtes évidemment dans les transports en commun, face à un homme qui se cure allègrement le nez et écrasée par une dame obèse qui vous reproche de prendre de la place lorsqu’elle en prend, à elle seule, deux sur trois. Le réseau étant évidemment optimal sur cette parcelle de votre trajet, vous tentez malgré tout de paraître professionnelle et à l’écoute de votre interlocutrice :


« Bonjour, c’est madame [crrrcrrrcrrr], RH de la société [crrrcrrrcrrr]. Nous avons reçu votre CV et souhaitions agrémenter votre candidature d’un entretien téléphonique. Seriez-vous disponible le [crrrcrrrcrrr] à 9h30 ? »

            La LEM (Loi de l’Emmerdement Maximal) étant ce qu’elle est, les seules informations que votre super téléphone dernier cri - pour lequel vous avez tiré sur votre compte épargne que papi et mamie avaient gentiment alimenté chaque mois depuis votre naissance et auquel il ne fallait évidemment toucher qu’en cas d’extrême nécessité - sont les seules informations indispensables à la compréhension de cet appel. MAIS, n’admettant pas cette mauvaise posture, vous acceptez avec enthousiasme cet entretien, qui reste tout de même la première réponse pseudo-positive que vous recevez depuis 2 mois de recherche, 2456 CV envoyés, 42 refus et 1263 mails automatique :

« Nous avons bien reçu votre candidature [bla bla bla]. Si vous n’avez pas de réponse sous 15 jours, veuillez considérer que [bla bla bla]. Sans indication contraire de votre part, nous conservons votre dossier dans notre base de données et ne manquerons pas de revenir vers vous si une opportunité se présente. »

            S’ensuit alors une loooongue semaine, où, chaque matin, votre réveil sonne à 9h25, votre colocataire (appelons-le Fulbert) frappe sur le fin mur qui sépare son placard de votre « coin chambre » délimité par un rideau semi-opaque, dans l’espoir de vous faire cesser ces vocalises d’échauffement post-réveil et pré-entretien, pour finalement remarquer, à 9h45 que vous pouvez tenter de vous rendormir puisqu’il ne s’agissait toujours pas du jour fatidique.

            Lorsque vous désespérez de recevoir un jour ce fameux appel, votre téléphone sonne ! Évidemment, c’était le seul jour où vous aviez décidé de retarder votre réveil, et que les vocalises n’avaient pas été effectuées.

« Hallooooo ??? [hum – ahem – rrrrr-] – Oui hallo, c’est Madame Dumont, RH chez la société Swiss ID, je souhaiterais vous poser quelques questions pour cerner votre personnage, voir si vous « fittez » avec les exigences et valeurs de notre entreprise. Vous êtes prête ? »

            Et c’est parti pour une demi-heure d’entretien téléphonique avec LA société pour laquelle vous vous étiez juré de ne jamais travailler ! Vous répondez tant bien que mal... Surtout mal d’ailleurs, à la plupart des questions bateaux pour lesquelles vous étiez pourtant préparée depuis des mois.  Une fois la torture terminée, la RH vous informe qu’elle a trois postes à pourvoir dans votre secteur et que les responsables de chacun d‘entre eux vous appellerons si votre candidature les intéresse.

            Une semaine plus tard, le téléphone sonne de nouveau ! C’est l’étape 2 : votre potentielle future responsable vous appelle pour vous proposer un entretien physique. N’ayant aucune nouvelle des seules vraies entreprises qui vous intéressent, et voyant la deadline s’approcher, vous empruntez votre plus charmante voix et convenez d’une date avec votre interlocutrice.

            Trois jours plus tard, vêtit de votre plus bel apparat et munit du magnifique stylo hérité de votre arrière-arrière-arrière-arrière-grand-père, vous vous présentez à l’accueil de cette beeeeelle entreprise et empruntez l’ascenseur qui vous mènera à « l’interrogatoire musclé ». Vous rencontrez alors une dame, la quarantaine, étrangement peignée d’une tignasse blonde coiffée au pétard de l’avant-veille, qui vous conduit très rapidement dans une salle au bout des trois couloirs que vous venez de traverser. Une fois dans cette salle, cette dame (appelons-la Danielle) se présente, ainsi que son service et le poste à pourvoir. Bizarrement, elle n’a pas l’air au point sur les services qu’elle promeut, mais ce n’est pas grave, on en fait abstraction ! Le moment est venu de démarrer à votre tour votre présentation, avec vos mains tremblantes, les joues rougissantes et votre charisme de crevette aphone. N’ayant que très peu de conviction en votre volonté à intégrer ce poste, vous n’avez sur vous aucun document vous permettant d’étayer votre discours ou de présenter vos travaux. Aucun souci ! Danielle a l’air ravie et souhaite que vous les lui envoyiez par email dès l’instant où vous arriverez chez vous. Après une heure de torture, de regards fixes, de « euh... » sortant étonnamment de la bouche béante de votre possible-future-manager, et de silences gênants, Danielle fait mine de se lever, mais, d’un air grave, vous fixe et tient à vous faire part d’une dernière information :

« Oh vous savez, cela fait huit mois que je suis dans ce service, et je comprends finalement pourquoi certains employés en viennent à se suicider... »

            La deadline approche, pas de nouvelles des autres postes que vous convoitiez tant, [DRIIIIIIING ! DRIIIIIIIIING !], surprise ! Danielle vous embauche, vous commencez dans une semaine ! JOIE.

1 commentaire :

  1. Gé-nial!!! "les vocalises pré entretiens" haha je connais ça ! Vivement la suite !

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